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BALLAD into BLUES, ROCK, JAZZ and COUNTRY
9 janvier 2020

Janis Joplin, Royal Albert Hall, 21 avril 1969, par Claude !

C’est un document tout à fait exceptionnel qui vous est proposé aujourd’hui, chers lecteurs. Qui d’entre nous n’a pas, un jour dans sa vie, regretté de ne pas avoir pu assister à un concert de Janis Joplin avec son atmosphère délirante et si particulière ? Ce blog a l’immense privilège de compter parmi ses fidèles lecteurs, ayant vécu ces instants historiques, notre ami Claude, dont vous avez pu apprécier les écrits au travers de quelques chroniques et qui a la gentillesse de nous relater aujourd’hui cet incroyable moment d’émotion. Avant de vous laisser en sa compagnie, je tenais, une nouvelle fois, à remercier très chaleureusement Claude pour ce formidable récit qui ne vous laissera certainement pas indifférent. N’hésitez pas à lui transmettre votre ressenti et vos questions au travers de la rubrique commentaires, il sera ravi de vous répondre.

                                                                                                                                                                  Frédéric.

Un concert parmi d’autres ? Non… une “tuerie” !

 

En ce matin pluvieux de mars 1969, assis derrière la vitre embuée d’un “coffee bar” d’Earl’s Court road, qui n’avait de “coffee” que le nom (que ceux qui ont eu à cette époque, ne serait-ce qu’une fois, l’occasion de savourer un café anglais bien corsé lèvent le doigt), je parcourais nonchalamment les pages du Melody Maker que je venais juste d’acheter, lorsqu’une annonce en pages spectacles attira mon attention :

Royal Albert Hall, Janis Joplin, 21 april”.

N’étant pas particulièrement familier du répertoire de celle qui, un jour, confessa pourtant avoir été influencée à ses débuts par des chanteuses noires (Big Mama Thornton ou Bessie Smith), ma première réaction fut non pas de passer outre mais de me poser la question suivante : “Irai-je ou pas ?”. Tel était le choix cornélien auquel j’étais confronté en cette mi-mars 69… Vous me direz avec raison qu’il y a de pires dilemmes dans la vie mais une décision rapide s’imposait, cet évènement unique devant très certainement attirer la grande foule.

Quelques heures à peser le pour et le contre suffirent à me décider. Certes le blues noir tel que je l’entendais n’était manifestement pas son truc (et encore moins le blues-rock pur et dur !) mais après tout, y aller me permettrait peut-être de comprendre tout le battage médiatique que provoquait cette fameuse “Pearl” (ainsi que ses proches l’appelaient) et de découvrir ce qu’elle avait dans le ventre, ou plutôt le gosier !

Seul bémol qui, malgré tout, ne modifia pas ma décision, ses musiciens d’alors, à savoir le Kozmic Blues Band emmené par Sam Andrew à la guitare. Un bon guitariste certes, mais qui était loin d’avoir la “puissance de feu” des solistes du British Blues. Nombre de journalistes spécialisés, mieux informés que moi, étaient du même avis et prédisaient même une séparation prochaine, suite aux articles de confrères américains reprochant à Janis Joplin ne pas avoir des musiciens à la hauteur de ses performances vocales. Un groupe d’accompagnement donc, caractérisé par l’utilisation de cuivres et plus orienté soul et pop (malgré l’appellation Blues Band) que la plupart des formations de l’époque de rock dit psychédélique, telle que Big Brother & The Holding Cie qui semblait mieux convenir à son style mais dont elle se sépara fin 68.

Toujours est-il que quelques jours plus tard parmi une bonne centaine de lève-tôt, j’attendais avec impatience, sous une bruine tenace, l’ouverture des portes de l’entrée principale du Royal Albert Hall afin d’accéder au plus vite aux guichets où, très certainement, je dénicherai le sésame. Ce qui fut le cas une bonne heure plus tard, avec en poche un ticket m’octroyant un siège au centre de la deuxième rangée du parterre, poste d’observation idéal s’il en est… Bonne idée que ce lever très matinal puisque le Melody Maker de la semaine suivante prévenait ses lecteurs que le concert unique de miss Joplin à Londres se déroulerait à guichets fermés.

Photo Janis

Arrivé le jour fatidique parmi les premiers dans la longue file d’attente devant l’entrée du RAH, je pris le temps de repérer ma place, un siège en feutrine rouge assez inconfortable mais avec cendrier en métal incorporé au dossier (ça pouvait servir !) et de m’y installer. Les roadies du groupe Yes qui assurait la première partie s’affairaient sur la scène.

Pas de quoi fouetter un chat… Je décidais donc, avant le début des hostilités programmé dans l’heure suivante, de prendre le risque de zapper en partie Yes, déjà vu en d’autres lieux, et de m’accorder un moment de détente en montant dans les étages afin d’accéder au bar, dans le seul et unique but de m’enfiler, après tous ces efforts, une pinte de Pale Ale rafraîchissante.

En me dirigeant vers le bar à colonnades au fond de la salle, j’aperçus les dos de trois consommateurs juchés sur des tabourets, deux types et une femme, cette dernière avec une toque de fourrure blanche sur la tête et une longue chasuble bariolée sur les épaules, dégustant un grand verre rempli d’un liquide incolore indéfinissable, les seuls clients à cette heure.

Je pris place à leur droite sur un tabouret avant de passer commande et de jeter un œil sur ma gauche. Stupéfaction… je reconnus immédiatement la diva du Texas ! Nos regards se croisèrent et là, sans aucun préambule, elle me décocha tout en souriant une œillade susceptible de déstabiliser dans la seconde n’importe quel mâle normalement constitué ! Que faire face à un tel accueil ? Garder mon sang-froid m’apparût être la solution la plus sage. Ce que je fis en répliquant par un sourire béat qu’elle sembla furtivement apprécier…

En tout cas, Janis Joplin semblait en forme ! Plutôt une bonne nouvelle, son régime minceur à cette époque, composé essentiellement de doses d’héroïne quotidiennes via intraveineuse (soit l’équivalent de 200 $ de came par jour, paraît-il), le tout aspergé de bonnes doses d’alcool, pouvant laisser craindre le pire.

Quelque peu déstabilisé mais requinqué, je rejoignis ma place juste à temps pour applaudir Yes dont le set ne m’impressionna guère. L’occasion d’observer sans mansuétude de ma part l’icône de toute une génération était proche. Car œillade ou pas, elle avait intérêt à me convaincre que son talent notoire n’était pas usurpé et, ce faisant, me prouver que mon déplacement en ce lieu mythique était la bonne décision.

Une bonne demi-heure plus tard, lorsque déboula au pas de charge sur la scène ma voisine de bar, la clameur du public fut impressionnante. Exit la toque en fourrure et la longue chasuble, place à un ensemble moulant de cuir d’un bleu profond, genre Elvis The Pelvis.

Après avoir déposé délicatement une bouteille de gin devant la batterie puis salué chaleureusement l’auditoire, elle entama le concert avec un “Raise Your Hand” tonitruant. Dès ce morceau, tout commença à s’enflammer. Une sono à fond, une petite rasade de gin entre deux titres, un public hyper réactif, tous les ingrédients semblaient réunis pour une soirée de pur délire.

Avec sa voix écorchée, puissante, presque insupportable dans les aigus mais déchirante à l’extrême (arriverait-elle à tenir la note, pouvait-on se demander), elle envoûta le public durant plus d’une heure et demie.
Parmi la bonne dizaine de titres qu’elle interpréta (n’attendez pas de moi une setlist complète de mémoire, internet vous la détaillera à coup sûr), elle atteignit sans aucun doute son climax avec “Summertime” et plus encore avec le fameux “Ball And Chain” qui clôturait la soirée. Et à cet instant précis ce fut presqu’une émeute lorsqu’elle encouragea les spectateurs à se lever pour danser puis à monter sur scène… ce que je fis, propulsé par une marée humaine totalement incontrôlable.

Un type pas loin de moi, s’empara de la bouteille de gin (vide) et la mise dans son blouson. Ses musiciens n’arrivant plus à se repérer les uns les autres arrêtèrent de souffler dans les cuivres et de gratouiller les guitares. La scène était envahie. Avec l’aide de l’un des musiciens, Janis, titubante mais hurlant encore quelques encouragements dans le micro, se dirigea vers les coulisses.

Ainsi que le souligna l’Evening Standard du lendemain, Janis Joplin venait tout simplement en un soir de transformer le Royal Albert Hall en une gigantesque discothèque du parterre jusqu’aux loges… The Sun, quotidien populaire friand de scandales à la petite semaine titra quant à lui : “Shocking ! Joplin out of control at the RAH”.

En vérité, un vent de folie souffla ce soir-là sur le RAH, vénérable temple de la musique classique et des arts depuis son inauguration en mars 1871.

Décidément, je ne regretterai jamais d’avoir coché la bonne case en ce matin de mars 69 !

                                                                                                                                                           Claude.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                       

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Commentaires
C
Seule Martha Velez aurait pu, à mon avis, rivaliser vocalement avec Janis Joplin en 1969, ce que je n'ai pas jugé utile de mentionner dans mon récit ci-dessus.<br /> <br /> Native de New-York City, elle eut la riche idée de passer quelques jours à Londres en 69 dans le but d'enregistrer, sur les conseils de Mike Vernon (Blue Horizon label), un album de blues-rock, accompagnée rien moins que par Clapton, Kossoff ou Jack Bruce, sous le titre “Fiends And Angels”. <br /> <br /> Malheureusement, elle ne jugea pas utile de se produire sur scène avec ses chers “Fiends” (et non Friends) à mon plus grand regret.<br /> <br /> Pour plus d'infos à son sujet, reportez-vous au blog de Frédéric en date du 12 octobre 2016, facilement accessible via internet (sanfermin.canalblog.com) après avoir tapé Martha Velez sur votre moteur de recherche.<br /> <br /> N'hésitez pas à écouter quelques titres, vous ne le regretterez sûrement pas !
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C
Merci mon cher Guillet.<br /> <br /> C'est toujours un plaisir d'intervenir sur le blog de notre ami Fred ainsi que de partager avec vous tous quelques grands moments de ma période londonienne de 68 à 72.<br /> <br /> A bientôt peut-être pour d'autres aventures...
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