Chick Corea/Steve Gadd band "Chinese butterfly": Le talent est au rendez-vous, mais...

C’est peu de dire que la sortie de cet album était particulièrement attendue, le casting faisant littéralement rêver tous les amoureux du jazz/rock. Songez un peu, la réunion de deux talents comme le pianiste Chick Corea et le batteur Steve Gadd ne se produit pas tous les jours. Quelques concerts ont eu lieu en 2016, essentiellement en Amérique du Sud, mais c’est à peu près tout de l’activité commune de nos deux hommes ces derniers mois. Alors, imaginez l’impatience provoquée par l’annonce de la sortie de ce « Chinese Butterfly » ! Le duo est accompagné de Lionel Loueke à la guitare, de Steve Wilson au saxophone et à la flute, de Carlitos Del Puerto à la basse et à la guitare acoustique, de Luisito Quintero aux percussions et sur un morceau de Philip Bailey, homme à tout faire de Earth Wind and Fire qui assure le chant (nous y reviendrons) pour un album comprenant 2 disques qui laissent à l’auditeur un sentiment bien sur favorable mais aussi un peu mitigé.

Car que manque-t-il à cet album pour nous convaincre totalement ? Une foule de petits détails, qui accumulés les uns après les autres, gâchent un peu l’excellente impression que constitue l’écoute du disque 1. S’ouvrant sur un morceau signé John MC Laughlin et sonnant très Return to Forever, période « Romantic Warrior » et « Music Magic », celui-ci va ravir les amateurs de Jazz/rock de l’époque. La finesse du drumming de Steve Gadd étant beaucoup plus adaptée au piano de Chick Corea que le style beaucoup plus « funky » de Lenny White qui officiait à l’époque et dont la présence était régulièrement remise en cause par de nombreux critiques non pas pour son talent, mais pour son style assez peu compatible avec le piano du maître.  Mais c’est peut- être et surtout ce sentiment de déjà entendu que retiendront en priorité certains auditeurs et ils n’auront surement pas tout à fait tort. Nous étions, en effet, en droit d’attendre une œuvre un peu plus créative de la part de nos deux sorciers.

Le deuxième disque, composé seulement de trois longs morceaux, n’était pas forcément indispensable. Il débute par une reprise de « Return to forever » issue de l’album du même nom sorti en 1972 ou Philip Bailey essaie de remplacer Flora Purim à la voix et là, les puristes vont se dresser. Si Steve Gadd atteint sans difficulté le niveau si élevé porté à l’époque par Airto Moreira, il n’en est pas du tout de même pour le chanteur d’Earth Wind and Fire dont la voix n’arrive pas à la cheville de Flora Purim qui avait su amener ce côté envoutant et ensorcelant à un titre resté dans la légende du Jazz/rock. Bien sûr, le morceau proposé s’écoute avec plaisir, mais l’étincelle de la version de 1972 s’est totalement évaporée. La suite du disque 2 est plus expérimentale avec un son plutôt latin (sans doute faut il y voir l’influence des concerts donnés par le groupe en Amérique Latine). L’ensemble reste de très bonne qualité sans pour autant enthousiasmer l’auditeur.

Bien que non indispensable, l’acquisition de ce « Chinese Butterfly » ne provoquera pas de regrets majeurs si vous optez pour elle. Cependant, malgré une légitime attente d’un tout petit plus d’originalité, la réunion de ces deux géants que sont Chick Corea et Steve Gadd sur un même album  reste tout de même  un très grand moment de plaisir et leur venue dans notre pays serait incontestablement un événement de toute première importance.

                                                                                                                                     Frédéric.