Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BALLAD into BLUES, ROCK, JAZZ and COUNTRY
8 avril 2020

3 jours à San Francisco avec le Grateful Dead et The Who: partie 2 !

Samedi 9 octobre 1976 :

9h du matin, le téléphone sonne dans la petite chambre d’hôtel que j’occupe à Union Square, c’est le service du réveil. Pendant une dizaine de minutes, je reste cloué sur mon lit pour essayer d’évacuer les vapeurs d’alcool et la fumée des nombreux pétards de la soirée. Ma tête est encore pleine d’images de ces moments uniques. J’ai toujours été fasciné par le summer of love de 1967, tout en étant lucide sur le fait que celui-ci est terminé depuis bien longtemps, mais vivre des moments comme ceux-ci à 20 ans me font prendre conscience de la chance qu’est la mienne. La douche me permet lentement d’éclaircir mes idées et 1h après, me voici à nouveau dans le Bart, direction Oakland stadium ou m’attend une autre expérience : Le Dead et les Who, le tout organisé par le légendaire Bill Graham.

La jeunesse américaine de l’époque est à l’image de la ville de San Francisco extrêmement cool et se laisse aborder très facilement, d’autant plus que, bien que maitrisant à peu près la langue anglaise, ma pointe d’accent Français est plutôt bien perçue. La conversation s’engage donc facilement dans le trajet d’une petite demi-heure me menant à l’Oakland stadium et un fait m’interpelle très vite, la grande majorité du public est venue pour le Dead. Pour mieux comprendre, il convient de replacer l’histoire de ce groupe dans le contexte local et depuis mon petit bout de France, cette perception m’avait échappée. 

Le Grateful Dead et son leader, le guitariste Jerry Garcia sont de véritables icônes de la ville. A la base du summer of love, avec leurs concerts gratuits et en pleine rue, ils ont plus fait pour la renommée de San Francisco, que n’importe qui. Leur ancienne maison du 710 Ashbury Street est devenue un véritable lieu de pèlerinage. Des T shirts et des posters à leur effigie fleurissent aux coins de chaque rue. Les Who, véritables stars mondiales, qui les accompagnent ces 2 jours n’ont, aux yeux de ce public, qu’un simple rôle de faire valoir (vous verrez par la suite la manière dont ils ont réussi à retourner la foule en leur faveur). Mais restons-en pour le moment au Dead et à son public que l’on appellera les Deadheads. Les concerts interminables de parfois 5 heures, voire plus, en totale improvisation sous l’effet du LSD (Jerry Garcia est surnommé Captain trip) ont fascinés toute une génération d’Américains. C’est celle-ci qui a rendez-vous avec eux aujourd’hui. Dans le magasin ou je travaillais à Bordeaux, nous n’avions pas ou peu « accroché » avec cette musique qui n’est pas conçue pour les 30 petites minutes que durent les 2 faces d’un 33 tours et les ventes du groupe étaient plutôt faibles. L’occasion m’était donc donnée de vivre une expérience unique, celle d’assister à un concert d’un groupe légendaire dans sa ville et je dois avouer que cela m’excitait terriblement.

Vers 10h30, le Bart me déposait aux pieds de l’immense et imposant stadium d’Oakland. J’étais loin de m’imaginer à quels points ces 2 jours allaient m’ouvrir de nouveaux horizons musicaux.

Vu de l’extérieur, l’Oakland stadium procure une impression de gigantisme. En France, à cette époque, nous n’avions pas d’équivalent. Notre plus grand stade du moment (le parc des princes avec sa capacité de 50 000 personnes, le stade de France n’était pas encore construit) parait bien petit comparé à cette immense enceinte conçue pour le base ball et le foot US.  Pour ces « days on the green 8 et 9 », le billet à tarif unique de 12 $ vous laissait la possibilité de vous placer selon votre souhait. Je pénétrais donc dans cette enceinte avec l’excitation d’assister à un événement majeur. Les concerts organisés par Bill Graham avaient une telle réputation qui provoquait en moi cette curiosité. A peine assis sur la pelouse, je suis subjugué par l’originalité de la scène. D’un côté, le pont de Londres, de l’autre, le Golden Gate qui se rejoignaient avec de chaque côté de la scène, une cabine téléphonique, une américaine et une anglaise. Le symbole de la réunion des 2 ponts correspond parfaitement à la volonté de l’organisateur de réunir 2 types de musique qui semblent, au départ, relativement éloignées l’un de l’autre.

11h du matin précises, le stade est plein, nous sommes environ 40 000, Bill Graham monte sur scène :

« Ladies and gentlemen, please welcome The Grateful Dead »

Dead october 76

Quelle ovation ! Mes yeux se portent tout de suite sur le guitariste, Jerry Garcia. Imaginez, j’avais une des légendes du rock américain à 30 mètres de moi. Un fait m’a immédiatement interpellé, le public connaissait les textes des chansons par cœur. Très vite, autour de moi, les premiers joints s’allument et circulent entre les travées et bien qu’ayant largement abusé la veille au soir de ces substances, je me laisse tenter. Un concert du Dead ne peut s’écouter et s’apprécier qu’en étant « stoned » me dit mon voisin. D’ailleurs, au bout d’une demi-heure, le bassiste du groupe Phil Lesch prend le micro et nous met en garde sur la qualité de lsd qui circule et nous recommande d’éviter d’en prendre. Pour ceux que cela intéresse, tous les concerts du groupe ayant fait l’objet d’un enregistrement, ces 2 jours n’échappent pas à la règle et vous avez la possibilité de vous procurer les CD sur le site du Dead.  Le concert débute donc par un standard du rock US repris, entre autres, par Elvis Presley « Promised land » et là, est-ce l’effet du joint, mais je ne le pense pas, je suis immédiatement séduit par le son de la guitare de Jerry Garcia, à la fois énergique, doux et sensuel, qui donne une atmosphère très particulière à ce rock si connu et je commence à percevoir pourquoi la musique de ce groupe est si liée à cette ville fantastique qu’est San Francisco. Le Dead est fait pour San Francisco et inversement.  Les standards du groupe comme «  Cassidy » et « Sugaree », s’enchainent les uns après les autres et le public devient de plus en plus en transe. La chaleur aidant, il fait plus de 25° en ce début octobre, les spectateurs des premiers rangs deviennent littéralement hystériques et pour un peu, on pourrait s’imaginer être à Woodstock. Plus le concert avance, plus je rentre dans leur musique, au point de me lever et de me mettre à danser, comme ensorcelé par la musique de ce groupe que je connaissais si peu.

Le concert avait déjà débuté depuis plus de 3 heures et je commençais à être tenaillé par la faim, je décide donc de me lever et d’aller savourer mon sandwich depuis le haut des gradins afin d’avoir une vision différente. De là, l’Oakland stadium donne encore plus cette impression de gigantisme et la vue sur la baie est saisissante. Bien que positionné en hauteur à plus de 200 mètres de la scène, le son est fantastique. Je décide donc, de terminer le concert à cet emplacement, plus calme que la fosse et qui m’a permis de récupérer des forces, car l’après-midi était loin d’être terminée.16h, dernière note de musique de Jerry Garcia qui remercie la foule de sa venue. L’ovation est colossale et dure plus de 5 minutes. On se dit que le Who, qui vont leur succéder sont loin d’avoir gagné la partie après un tel show de près de 5 heures.

Dead and Who october 76

J’avais vu les Who pour la 1ère fois le 17 février 1974 à Toulouse et j’en gardais un souvenir fantastique. Non seulement, par le fait que c’était mon 2ème véritable grand concert, après celui de Jeff Beck, Tim Bogert et Carmin Appice à Bordeaux, mais aussi et surtout parce que j’avais pris une claque monumentale en cet après-midi toulousaine. Le groupe venait de sortir «  Who’s next » et commençait à présenter sur scène son nouvel opéra rock «  Quadrophenia » qui connut le triomphe dès sa sortie, l’année suivante. C’est donc avec une immense excitation que j’attendais leur prestation après le triomphe du Grateful  Dead, avec aussi une petite part d’anxiété, car la sortie, entre temps, du plus que moyen » Who by numbers » en avait inquiété plus d’un et puis j’avais une immense interrogation sur l’accueil du public, comme évoqué précédemment.   Il fallut une bonne heure pour que les roadies installent le matériel et puis à 17h, le téléphone sonna dans la cabine londonienne installée sur le côté droit de la scène. Bill Graham décrocha et dit « Who is this, « et une voix avec un formidable écho qui résonnait dans tous les hauts parleurs à travers le stade dit : « THE WHO »

Pete Townshend vêtu avec sa combinaison blanche de peintre qu’il portait à Woodstock prit sa guitare et entama les premiers riffs « Can’t explain ». En ce jour d’anniversaire de leur regretté bassiste John Entwhistle, je compris tout de suite que le groupe était venu avec l’intention de renverser la table. Pete sautait de partout avec sa guitare, Roger Daltrey jonglait, comme de coutume, avec son micro, Keith Moon frappait de plus en plus fort avec sa batterie et John Entwhistle était, fidèle à lui-même, impassible avec sa basse, même quand il nous chanta « Boris the spider ». Preuve que le groupe était venu frapper un grand coup, la set list était articulée autour des albums « Tommy, Who’s next » et « Quadrophenia » avec au milieu quelques anciennes chansons comme « the kids are alright » et le divin « Join together ». C’est d’ailleurs ce morceau qui fit prendre une dimension particulière à ce concert et qui fit littéralement lever les 40 000 personnes de leur siège sur lequel, elles n’allaient d’ailleurs plus s’asseoir. Suivirent ensuite, les extraits de Tommy « Pinball Wizard, et le fabuleux « see me, feel me » repris en chœur par toute l’assistance. Le groupe venait, à ce moment-là, de gagner une partie qui était loin d’être acquise 1 heure auparavant.  

Impossible de pas terminer un concert des Who par « won’t get fooled again », c’est encore le cas aujourd’hui et ces 2 concerts de San Francisco n’ont pas échappé à la règle. 

Sur le final, Pete nous gratifia d’un saut d’anthologie avec sa guitare à tel point que l’espace d’un instant, j’ai cru qu’il allait renverser Roger et l’inégalable Keith Moon qui à mes yeux reste le plus grand batteur rock de tous les temps, décida de renverser sa batterie. Etait celle-là qui fut utilisée pour le concert du lendemain, j’en doute, mais je n’aurai jamais la réponse à cette interrogation.

Pour ce concert, j’avais abandonné d’entrée mon confortable siège des gradins que j’occupais à la fin de la prestation du Dead pour revenir au plus près de la scène. Bien m’en a pris, car pour apprécier à sa juste valeur un tel séisme, il vaut mieux être dans les premiers rangs.

19h, la nuit commence à tomber sur la baie. Le coucher de soleil est magnifique, je quitte lentement le stadium d’Oakland, les yeux remplis de souvenirs qui sont encore aujourd’hui gravés dans ma mémoire en me disant : « Demain dimanche, je remets cela, serai-je en état d’apprécier ? » Mes heures de sommeil étaient particulièrement restreintes depuis New Orleans et The Eagles le jeudi, je commençais à m’endormir dans la rame du Bart qui me ramenait sur Union Square.

 Arrivé à mon hôtel, je m’affalais sur le lit et m’endormit sans diner. A votre avis, de quoi ai-je bien pu rêver durant cette longue nuit ?

 

10 octobre 1976 :

Ce satané service du réveil de l’hôtel fait résonner le téléphone dans ma chambre, comme la veille à 9h du matin.  La fatigue accumulée dans les jours précédents se fait cruellement sentir. Mais revoir, une dernière fois en concert Le Dead et les Who,  dans la douceur d’une journée d’automne californien suffisent sans problème à me tirer du confort d’un lit ou j’étais pourtant si bien. Et puis, demain le retour en France s’annonce avec une escale d’une journée entière à New York city, il s’agit donc de profiter à fond de ces derniers instants.

J’ai toujours été partisan quand un groupe se produit 2 soirs de suite dans un même lieu d’assister aux 2 concerts et cela s’est encore confirmé en cette année 2017, avec les shows d’Eric Clapton au Royal Albert Hall de Londres. L’intérêt, pour le modeste amateur de rock que je suis, est évident puisque cela me permet de vivre le concert différemment, car sachant la majeure partie de ce qui m’attend et dégagé ainsi d’un certain côté émotionnel, mon attention se porte sur des détails que je n’avais pas relevé la veille me permettant ainsi d’apprécier encore plus la qualité du show.

Me voici donc, à nouveau, dans le Bart, direction l’imposant Oakland stadium. Ces 2 jours, ont dû garnir le portefeuille de Bill Graham, qui a toujours su garder les pieds sur terre et qui avait d’ailleurs, une redoutable réputation d’homme d’affaires à l’image aujourd’hui du leader d’Eagles Don Henley. 40 000 personnes remplissent à nouveau le stade en ce dimanche ensoleillé quand Bill Graham nous demande d’accueillir le Grateful Dead, en nous souhaitant de passer un excellent dimanche.

Cette fois ci, je choisis de m’installer pour les 5 heures du concert du Dead dans les confortables sièges des gradins. Si le répertoire interprété par les 2 groupes est sensiblement le même, il est à noter que le Dead a fait preuve d’innovation en changeant l’ordre des morceaux et en en rajoutant quelques perles, comme le délicieux « El Paso », « Sugar Magnolia »et a conclu son concert par « Johnny B Goode » du légendaire Chuck Berry.  Le public, venu comme la veille, essentiellement pour lui, lui en sera très reconnaissant et Les Who, dont le show était identique à celui du samedi, se le virent reprocher ouvertement par une partie de l’assistance et par certains journalistes dans leur compte rendu du lundi. Comme la veille, j’assistais au show des Who sur la pelouse de l’Oakland stadium et en m’infiltrant au milieu des morceaux, me suis retrouvé à 10 mètres de la scène. Je me souviendrai toute ma vie de l’expression de Keith Moon fracassant sa batterie et était loin de me douter qu’il s’agissait de son avant dernier concert aux Etats unis avant sa tragique disparition.

Dans le trajet du retour, dans ce wagon du Bart qui me ramenait sur Union Square, j’étais en train de me demander si un jour dans ma vie, j’aurai l’occasion de vivre un moment comme celui-là. La réponse est venue 39 ans après et c’est Eric Clapton en personne qui me l’a donné avec ses concerts au Royal Albert Hall. Mais ceci est une autre histoire.

                                                                                                   Frédéric.

Publicité
Publicité
Commentaires
BALLAD into BLUES, ROCK, JAZZ and COUNTRY
  • Coups de coeur et actualité des légendes du rock et de leurs influences. Ancien disquaire professionnel et spécialiste musical des années 70, ma passion pour le rock ne m'a jamais quitté.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 317 394
Publicité