King Crimson: Les secrets du roi !

28 septembre 2016

Dimanche dernier, en consultant les mails sur mon ordinateur, l’un d’entre eux a particulièrement retenu mon attention. En premier, parce qu’il émanait de Claude et qu’il est toujours particulièrement agréable de lire les avis de quelqu’un dont les connaissances musicales sont une véritable référence et aussi parce qu’il traitait de King Crimson dont nous avons évoqué hier le nouvel album. Son contenu m’a littéralement bluffé tellement la qualité et l’intérêt de sa recherche sont passionnants. Je remercie chaleureusement Claude de m’avoir donné l’autorisation de le publier et de pouvoir ainsi vous en faire profiter. Je suis donc ravi de lui laisser la parole aujourd’hui

Frédéric.

« De nature assez perfectionniste, il m'arrive parfois de perdre un peu mon temps à tenter de “traquer la petite bête”. Et, récemment, à la relecture d'articles de presse parus à l'occasion des deux soirées de King Crimson à l'Olympia, fin 2015, je me suis aperçu que quelque chose ne collait pas vraiment. Selon certains écrits, le groupe est présenté comme une toute nouvelle formation. Pas faux au premier abord mais si l'on creuse un peu…

J'ai donc décidé de mener l'enquête et de me replonger dans mes “dossiers”, anciens articles collationnés au fil du temps, tout en furetant sur le web, en sachant que plus de la moitié des “infos” glanées sur les forums seront à jeter à la poubelle. Cependant, il existe un nombre infime de vrais spécialistes du rock progressif et leur analyse prouve par A+B que j'ai eu raison de me poser quelques questions.

Ainsi, après avoir pris note de certains moments clés de l'aventure du Roi Crimson (une vraie saga dont l'analyse complète nécessite d'avoir atteint au minimum le niveau Bac +10 !!!), j'ai découvert que non pas un mais bien deux membres de la formation actuelle étaient déjà “dans les murs” durant la période 70 (Fripp mis à part, bien entendu).
Mel Collins, on le sait, a participé aux enregistrements de “In the Wake of Poseidon” le deuxième opus. Mais, ce que l'on sait moins, c'est qu'il faisait aussi partie du line-up du controversé “Lizard” avant d'être à nouveau retenu par Fripp pour “Island”, d'inspiration classique, composé avec Sinfield (synthétiseur). Et, en 74, Mel Collins est toujours là (avec Ian McDonald) pour l'enregistrement de “Red”. Comme quoi !…

Puis Fripp décide alors de mettre un terme à l'aventure King Crimson et se veut désormais à lui seul “une petite cellule libre, mobile et intelligente” (du Fripp tout craché !)… avant de revenir sur sa décision et de sortir en mi-70 un album live “USA” (titres marquants du groupe) pour finalement revenir sur la scène musicale fin 70 en formant un nouveau groupe au nom évocateur : Discipline.
Et là, qui trouve t-on à la basse ? Un certain Tony Levin ! Suite à quelques concerts, Fripp décide de changer le nom du groupe qui redevient King Crimson. Il est dit alors que Tony Levin fait preuve d'un bel esprit d'innovation et de créativité en popularisant des instruments tels que le Stick dérivé de la guitare qui s'utilise avec la technique du tapping à deux mains et aussi et surtout la Warr Guitar (du nom de son inventeur), utilisée elle de manière traditionnelle, notamment le jeu aux doigts de la basse. En réalité une sorte de contrebasse électrique très effilée au son assez lourd et profond surtout utilisée sur scène comme à l'Olympia en 2015 pour deux ou trois morceaux.

Sortent trois albums : “Discipline” (81), “Beat” (82) et “Three of the Perfect Pair (84) qui marquent la renaissance du groupe après une pause de… 7 années durant lesquelles Fripp collabore avec divers artistes dont David Bowie. Après un concert à Montréal en 84, Fripp dissout le groupe pour la deuxième fois suite à son mécontentement quant aux méthodes de travail (!).

Il faudra attendre 94 pour assister à une réformation du groupe.
A la batterie Pat Mastelotto (tiens donc !) qui intègre le groupe en même temps que Bill Brudford, deuxième batteur. Il est dit à ce stade que Fripp eut même la vision d'un “double trio” : 2 batteurs, 2 guitaristes, 2 bassistes afin d'explorer d'autres types de musique. ce qui aboutira à la création de sous-groupes constitués de 3 ou 4 musiciens appelés ProjeKct (One, Two, Three, Four, etc.) afin de faire évoluer une musique abstraite, mi-écrite, mi-improvisée.

Levin, dont les engagements dans sa carrière de sessions (avec Peter Gabriel notamment), deviennent une obstruction pour l'activité future de King Crimson se retire à l'amiable. Fripp, qui lui garde sa confiance, considère alors Tony Levin comme un membre de King Crimson mais, pour l'instant, “un membre inactif”. Mastelotto, lui, continue avec Fripp qui lui suggère de faire une plus grande utilisation de l'électronique (electronic V-Drums, par exemple).

Réapparition de Tony Levin au sein du groupe en 2003.
A la suite de répétitions en 2004 Fripp met King Crimson en veilleuse pour 3 ans sans que le groupe soit officiellement séparé. Fripp en profite pour réévaluer King Crimson et pense à des changements dans l'approche.
Mais, c'était sans compter avec les plus anciens membres de la formation !
Ainsi, les années 2000 voient la réunion de certains des musiciens des quatre premiers albums de King Crimson au sein d'un groupe dénommé The 21st Century Schizoid Band et emmené par un certain Jakko Jakszyk, fan inconditionnel à l'âge de 14 ans du tout premier opus. A ses côtés, Ian McDonald, Mel Collins, Peter Giles et Michael Giles remplacé plus tard par Ian Wallace.

Réveil en 2007 du sieur Fripp qui annonce un nouveau line-up de King Crimson avec Belew, Levin, Mastelotto et un nouveau second batteur… Gavin Harrison, l'un des meilleurs batteurs de sessions dans l'industrie de la musique et accompagnateur, entre autres, de Level 42, The Lodge, Jakko Jakszyk (comme par hasard !) et de Porcupine Tree. Un disque est publié en 2008 en téléchargement unique (concert live à Chicago).

Et, en 2009, rebelote : la tournée prévue est annulée et Fripp déclare le groupe “en congés dès maintenant pour une quantité indéterminée de temps”. Faut dire aussi qu'il avait alors besoin d'un peu de temps pour mettre de l'ordre dans ses affaires (litiges contre des débiteurs en retard de King Crimson, tentatives pour régler ses propres dettes financières et organisation de sa vie personnelle).

En 2011 apparaît cependant un groupe distinct fondé autour de Jakko Jakszyk, Mel Collins et… Robert Fripp : “A KC ProjeKct” ou “ P7”. Un album sort la même année et présente ces trois musiciens entourés des anciens membres, Tony Levin et Gavin Harrison.
Et, en 2012, stupeur : Fripp annonce dans une interview au Financial Times (on ne se refuse rien !) qu'il se retire de l'industrie de la musique, laissant l'avenir de King Crimson incertain.
Ceci avant d'annoncer début 2015 (avec Fripp fallait s'en douter !) une nouvelle tournée mondiale. Bill Rieflin, troisième batteur, est incorporé au groupe. La der des der prédisent les spécialistes… raté ! Prolongations en 2016 !

Tout ceci pour dire et confirmer que le seul et unique nouveau membre dans la formation actuelle se nomme Bill Rieflin. Tous les autres ont déjà donné. Sachez-le messieurs les journalistes ! »…

NB : dans ce récapitulatif, j’ai volontairement occulté pour plus de clarté, les périodes (tournées, albums…) durant lesquelles Mister Fripp a fait appel à d’autres musiciens que ceux qui nous intéressent ici.

Claude